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Clo Tell
Clo Tell
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15 mars 2009

ESsai sur l'art de la parole.. délirs un peu noirs..

En fait tout a commencé le jour où j'ai commencé à parler. Je veux dire, petite je ne parlais pas. Ou très peu. Ou très bien. Comme des adultes, mon vocabulaire était riche et soigné. Recherché. Mes phrases étaient bien conçues. Parfaites. On me reprenait sur les fautes de syntaxe. Bref polissée, je présentais bien, et bien que je ne comprenne pas plus ce que je disais que ceux qui me l'avais expliqué, je n'ouvrais la bouche que pour dire ces mots de la perfection distinguée, destinée à faire parvenir aux oreilles de mon interlocuteur (un adulte bien souvent) une idée bien pensée, quelque chose qui valait vraiment la peine.

Cette façon de parler me semblait la plus juste. Et la plus normale aussi. Oui à y réfléchir, parler comme un dico encyclopédique philosophe à l'âge de 10 ans me semblait normal. Utilisé le mot adéquat aussi.

Cependant un jour les voisins ne voulurent plus jouér avec moi. Je lui avais cassé ce petit jouet, ou égaré, avec lequel il rendait sa sœur dingue, et ce petit requin de plastique avait été source de tous mes maux dans la rue toutes les années qui ont suivi. On ne s'etait jamais reparlé.

Mais maintenant avec du recul, je me demande si cet étrange cétacé n'était pas qu'un prétexte pour arrêter d'entendre mes joutes oratoires incompréhensibles et vaseuses.

Toujours est-il que ces problèmes relationnels, généralisés à l'ensemble de mes petits camarades me faisait passer des soirées entières à imaginer mes futures conversations, en phobie de ce « blanc », de cette connerie qui allait à coup sur discréditer mon honneur, alourdir le poids pêcheur de la planète et m'obliger à me terrer à jamais seule et hébétée face à l'horreur de mes incapacités de dialogue avec mes contemporains.

Alors est venu le silence. Et avec lui le malaise.

Le temps a coulé sous les ponts, le silence s'est installé. Le silence c'est quelque chose à accepter, à comprendre, à laisser vivre. C'est deux esprits apaisés, sereins qui se connectent autrement que par les mots. C'est du vagabondage de pensées; de la liberté d'être en vie. C'est l'absence de jugement de contradictions , de remarques. C'est un espace de temps peuplé de non bruit; bref c'est l'apaisement.
Alors je me souviens ce jour où la petite fille traversant la rue et ayant beaucoup grandi rencontra cet homme fou, au passé d'aventurier exceptionnel. Il était beau et sentait le chapeau boléro, le pantalon de tissu et l'encens indien des cheaps hotels de Cochin ou d'ailleurs, à plein nez. Il s'était converti à l'islam, des années auparavant et avait décidé pour prouver sa foi de ne plus laisser un mot traverser l'espace  entre ses lèvres. Silencieux volontaire, il nous avait raconté, par la suite, qu'il s'était paumé en Israël, du côté des kéfiés et de ses frères d'armes et que devant son mutisme obstiné, un soldat offusqué de tant d'insolence l'avait même rué de coups de crosse sévère afin de  faire cracher le son vital à cet individu; fier de ce chapitre, il parlait cependant, le jour où on l'a rencontré, mais marqué à vie par ces distances orales qui indique respect et déférence, il vouvoyait ses contemporains, alliés du moment. Mêmes intimes. Cette histoire m'avait profondément marquée et l'idée d'emboiter le bon chemin de cette façon me semblait bien pertinente et sage.

Il était donc nécessaire que je l'essaye.

Alors le Silence s'est de nouveau installé. Mais pas le même. Un nouveau. Différent.

Celui-ci était celui où l'on ne dit plus un mot mais où les paroles défilent à l'aise et clairvoyantes à l'intérieur de la tête. Celui où le superflu devient superflu. Ou la lune se nomme lune. Ou le ciel se nomme ciel. Ou l'océan se nomme imprévisible. Ou tout reprend sa place originel, ou même le verbe ne désigne plus l'action.

Le silence est d'or mais le silence est opaque. Et quand ses fils se détendent, il n'est pas facile de réaccorder ses tonalités. Au loin les cordes se lisse, au loin les sons des violons.

Et voilà, un jour il faut réapprendre à parler. Dans son petit appartement nantais, elle s'entraine mais ne se satisfait pas de ce qu'elle entend. Le bruit de hors. Trop de blablabla. Trop de mots pour ne rien dire, de lachés dans le vent, trop de questions inadaptées, d'envolées lyriques magistrales.

Ne rien dire, gardé tout; plus sage, plus serein.

Puis un jour, voilà que les mots réapparaissent. Ils font leur entrée un par un, deux par deux, trois par trois, dites 33. 3 mois déjà qu'ils étaient devenus absent, 3 mois de plus qu'ils ne pouvaient plus du tout sortir, 3 mois de plus qu'ils attendaient pour faire leur entrée. Les guetteurs de la tour nord de l'expression, les illustrateurs de pensées, les anarchos du sens. Pour les utiliser juste.

Et ils sont sortis alors convaincants, convaincus, respectés, et tonitruants. Le langage est devenu flot, une rivière, de ces ruisselances insensées qui s'articulent autour de l'idée; l'essence au fond, l'encens se fond, il y a de l'idéologie maintenant. Et nait ce talent de l'oratoire, représentant des « nous », des « tous » et des « non-alignés » qui fait soudain de son discours une psalmodie, une mélodie, berceuse berçante, presque une incantation, envoutante. Oui voilà, il y avait cette estrade publique où ils allaient pouvoir être écoutés, entendus et utilisés pour ce qu'ils évoquaient. Les mots, non plus ce comblement du vide auquel il avait toujours semblé qu ils étaient destinés. Ils étaient support a un cheval de bataille, ils étaient l'écho d'utopies présentes, actuelles et préssentes. Soit soudain l'humanité se retrouve articulée: Poisson, chien, cheval, singe et homme, et se reflète dans ces mots, ces signifiants qui décrivent si bien ce qu'elle est. Fragile et incertaine, imparfaite et injuste.

Rationnalisée, la parole  de la jeune fille. Comprise, un peu. Les idées sont difficiles. À accepter. A entendre, alors elles prennent la forme d'une mélopée agréable, valable, peut-être même rassurante.

Non, du bruit, du bruit, faites du bruit. Ce n'est agréable que pour être convaincant, crédible, hypnotisant, fédérateur. Pleine d'espoir, tu es en colère.

Mais là « on dirait que tu fais de la musique ».

dans son élan, les mots dépassent les actes, emportés sur l'estrade, par ceux qui ne veulent plus les entendre, par ceux qui veulent les dire mieux, les dire à ta place. Porte-à-faux.

Je pars encore. Partir encore. Chercher.

Hihi, maintenant c'est plus drôle. C'est quand les avisés, les érudits, les plus intellectuels font des fautes de grammaire. A qui la faute si des voyelles se retrouve un assemblement de deux  graphèmes, si la prononciation de ce phonème est si difficile à mes lèvres et si le rythme de ma pensée est inversé et malmené, aristocratisé. Je ne cherche plus à corriger la forme. Je me concentre sur ce qu il veut dire. A mour, Joie, Peine, Colère. Que veux t'ils dirent au juste? Je me laisse gagner par l'empathie sacrée, celle qu'il me tardait qu'elle me soit révélée. C'est facile! Un haussement de mes sourcils, un mouvement de mes bras dans ce tramway, un clignement de mes paupières et c'est un nouveau langage. Lui, moi, elle, étrangers, complices, essentiel échangé. Je suis dans ce qui appartient, à tous. Je suis étrangère mais je me noie dans la masse de mon espèce. J'échange des sons, des borgorimes, des regards,  des intensités. Jouissances de la bouche. Mon sourire devient lumineux, traduction de mes désirs. Même mon menton a appris à dire « non !» « nonnnn! » « no! » « hayir !» « niente !», « ttt !».

Et technocratie, l'idée s'évapore dans son expression. Bonheur! Bien-être! Réalisation! Parole!Intégrité!

Donc maintenant il ne reste qu'à chanter. Mes mots ne sont plus que vibrations. Reception énergétiques de mes perceptions et renvoi des ondes vers le monde, enchanté qui a dialogué avec ce que je suis, avec ce que j'étais, avec ce que je serais. Le langage est révélé. Il est pur et ne peux plus tricher.

Mais etrangère éternelle, ceux là n'ont pas l'air d'avoir appris à parler. Tellement d'heures à la rechercher que je ne peux plus, primitivement, communiquer. Je ne sais que dire.

Convaincre, interprêter. Je ne puis plus qu'aquiescer et espérer que celui-là, le prochain accepteras de chanter.

Des appels à l'aide résonne dans ma tête. De cette détresse de l'exil et de la solitude qui vous mange les foies et ne vous permet plus de retour en arrière., oh humble vaisseau de la vie, nous trimbalant, bringuebalant d'un bord à l'autre. De rives en rivages afin de nous emmener tous vers l'autre monde, la lumière ou en fait, tous ne sommes qu'un et un le tous. Lumière, fusion, semblables, égaux, enfin.

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Commentaires
C
écrit courant mars 2009
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